De nombreux acteurs du BTP sont actuellement contraints de stopper leur activité, faute de fournisseurs ou sur ordre de leur Maître d’oeuvre. Difficile d’y voir clair dans les informations contradictoires distillées ça et là concernant le recours à l’activité partielle autrement appelé chômage partiel, dans ce secteur d’activité. Un rappel chronologique s’impose donc.

 1. Les éléments de contexte 

Le coronavirus dit COVID-19 est apparu en Chine en décembre 2019 et s’est rapidement propagé, entraînant la mort de milliers de personnes.

Le taux de mortalité et la vitesse propagation du virus ont engendré de très importantes mesures de confinement sur place et des restrictions de circulation des voyageurs.

Malgré cela, le COVID-19 a notamment gagné le continent européen.

Le 8 février 2020, les premiers cas regroupés sont apparus sur le territoire français, en Haute-Savoie.

Le 14 février 2020, avait lieu le premier décès sur le sol français lié au coronavirus.

Le 28 février 2020, le Ministre de l’économie a indiqué que le coronavirus COVID-19 serait « considéré comme un cas de force majeure » pour les entreprises.

A partir du 8 mars 2020, les rassemblements de plus de 1000 personnes ont été interdits.

Le 12 mars 2020, le Premier ministre a annoncé qu’à la suite du passage en stade 3 de l’épidémie, tous les établissements de garde d’enfants, écoles, collèges, lycées, universités étaient fermés à compter du 16 mars 2020 et jusqu’à nouvel ordre.

Sont également fermés jusqu’au 15 avril 2020, « les lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation tels que les cinémas, bars ou discothèques ; qu’il en va de même des commerces à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable comme les commerces alimentaires, pharmacies, banques, stations-service ou de distribution de la presse ; que compte tenu de leur contribution à la vie de la Nation, les services publics resteront ouverts y compris ceux assurant les services de transport. »

A partir du 13 mars 2020, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits.

Le 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé qu’un dispositif de confinement allait entrer en vigueur sur l’ensemble du territoire.

Ainsi, depuis le 17 mars 2020 à 12h00, les déplacements sont interdits sauf dans les cas suivants et à la condition d’être muni d’une attestation à cet effet :

  • Se déplacer de son domicile à son lieu de travail dès lors que le télétravail n’est pas possible ;
  • Faire ses achats de première nécessité dans les commerces de proximité autorisés ;
  • Se rendre auprès d’un professionnel de santé ;
  • Se déplacer pour la garde de ses enfants ou pour aider les personnes vulnérables, ou pour un motif familial impérieux, dûment justifié, à la stricte condition de respecter les gestes barrières ;
  • Faire de l’exercice physique uniquement à titre individuel, autour du domicile et sans aucun rassemblement.

Le salarié devant se rendre sur son lieu de travail doit avoir sur lui l’attestation de déplacement ainsi qu’une attestation de son employeur, sous peine de verbalisation.

Dans le domaine d’activité du BTP les tensions se sont cristallisées sur la question du recours au chômage partiel.

 2. Les annonces gouvernementales relatives au chômage partiel :

L’article R.5122-1 du Code du travail prévoit notamment le recours au dispositif d’activité ou chômage partiel en cas de « circonstances de caractère exceptionnel ».

Le 13 mars 2020, Bruno le Maire, Ministre de l’Economie avait déclaré : « l’État prendra à sa charge l’intégralité de l’indemnisation de tous salariés placés en chômage partiel. Je dis bien l’intégralité de ce salaire, quel que soit son niveau. Aucun salarié ne perdra un centime. Évidemment s’il y a des salaires extraordinairement élevés, il est peut-être envisageable de fixer une limite. Mais pour tous les 99% de salariés, nous prendrons cela en charge.”

A ce sujet, il convient de rappeler tout d’abord que 70% de la rémunération brute (soit environ 84% de la rémunération nette en raison des contributions sociales allégées) du salarié en chômage partiel est habituellement maintenue.

Aucun texte n’est à l’heure actuelle venu prévoir un dispositif plus généreux. 

En outre, le maintien de rémunération s’opère sur la base d’un horaire hebdomadaire de 35 heures, les heures effectuées au-delà n’étant pas comprises dans le calcul, ce qui n’est pas neutre dans un secteur dans lequel les entreprises ont bien souvent comme durée collective de travail hebdomadaire 39 heures.

Le 15 mars 2020, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail annonçait : « Un décret sera donc pris dans les tous prochains jours pour réformer le dispositif d’activité partielle, afin de couvrir 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 Smic ».

Il sera remarqué que la prise en charge ne concerne plus l’intégralité du salaire mais l’intégralité de l’indemnisation versée par les entreprises…

Le décret du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle a ainsi précisé que, jusqu’à 4,5 SMIC, l’Etat prendrait en charge la totalité de l’indemnisation due au salarié placé en activité partielle (N.B : 100 % de 70 %)

En outre, les services de la DIRECCTE étant pour le moins débordés par l’afflux de demandes, il a été décidé d’accorder un délai de 30 jours aux entreprises, pour déposer leur demande d’activité partielle, avec effet rétroactif.

Le 17 mars 2020, le ministère de l’Intérieur a publié un télégramme au moyen duquel il est précisé que toutes les mesures de crise précédentes ne sauraient « signifier que l’activité économique doit être réduite pour tous les autres secteurs professionnels (N.B : autres que les locaux commerciaux qui ne relèvent pas d’une activité de première nécessité) qui ne génèrent pas habituellement des rassemblements de clientèle.

[…]

Outre les trajets domicile-travail autorisés pour ceux qui ne peuvent pas télétravailler ou travailler à distance, il est bien évidemment admis que les personnes qui exercent une activité qui les oblige à se déplacer (les livreurs par exemple) ou à travailler en extérieur (chantiers de bâtiments et travaux public notamment) doivent la poursuivre, à condition de pouvoir présenter à tout moment en cas de contrôle leur attestation de déplacement dérogatoire ainsi que le justificatif de déplacement professionnel ».

Dans le même sens, le ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire a exhorté les salariés des secteurs essentiels “à se rendre sur leurs lieux de travail“.

Le 18 mars 2020, Muriel Pénicaud, Ministre du Travail, a fait appel « à la responsabilité civique des entreprises » et s’est dite  “scandalisée”, citant l’exemple du CAPEB, le syndicat des artisans du bâtiment, lorsque “un syndicat patronal dit aux entreprises d’arrêter d’aller bosser“. “Cela, c’est du défaitisme“, assure-t-elle, appelant toutes les structures “à réunir leurs syndicats et les salariés pour organiser le travail” et trouver des solutions.

Propos qui n’ont pas manqué de faire réagir les syndicats du bâtiment…

Puis, le même jour sur twitter, la Ministre du Travail rappelait que « TOUTES les entreprises qui subissent une baisse d’activité, soit du fait de la situation économique, soit du fait d’une fermeture administrative, sont éligibles au chômage partiel, quelle que soit leur taille ».

Le 20 mars 2020, Bruno Le Maire invitait les entreprises à verser aux salariés mobilisés durant cette période de confinement, une prime de 1.000,00 euros défiscalisée, réactivant ainsi le principe de la prime dite Macron en vigueur au beau milieu de la crise des Gilets Jaunes, début 2019.

Le 21 mars 2020, les professionnels du BTP rencontraient donc les représentants du gouvernement afin d’évoquer cette situation.

Un communiqué de presse commun a été publié à la suite de cette rencontre.

Ce document indique que les parties « se sont accordées sur plusieurs principes permettant de renforcer, dans les tout prochains jours, la continuité du secteur et la poursuite des chantiers ».

S’agissant de la santé des travailleurs sur les chantiers, un guide des bonnes pratiques doit être publié dans les prochains jours (plusieurs syndicats appellent à ne pas reprendre les chantiers avant la parution de ce document)…

Il est au demeurant indiqué que : « pour les entreprise et salariés de l’ensemble du secteur du BTP impactés par la baisse d’activité, les mesures d’urgence prévues par le Gouvernement, notamment l’assouplissement de certaines procédures, la mise en place de mesures d’activité partielle ou encore le recours au fonds de solidarité en cours de mise en place, s’appliqueront de manière rapide sur tout le territoire national, en particulier en termes de délais de réponse et de versements aux entreprises, compte-tenu de leurs difficultés de trésorerie et sur la base de justificatifs simples ».

 Enfin, comme d’ores et déjà précisé, un décret du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle a :

– modifié les modalités de calcul de l’allocation compensatrice afin que le reste à charge pour l’entreprise soit supprimée pour les rémunérations inférieures à 4,5 SMIC ;

– octroyé aux employeurs un délai de deux mois pour consulter le CSE et transmettre l’avis à l’administration ;

– entériné le délai de 30 jours pour déposer la demande d’activité partielle, à effet rétroactif,

– modifié le délai d’instruction des demandes d’activités partielles de 15 jours à 2 jours, jusqu’au 31 décembre 2020 ;

3. Conclusion

Les entreprises du BTP sont en conséquence pleinement éligibles au dispositif d’activité partielle.

Il conviendra toutefois d’accorder une attention particulière à la rédaction des motifs qui justifient la demande d’autorisation préalable à adresser à l’administration, s’agissant notamment des conséquences concrètes sur l’activité de l’entreprise des importantes restrictions gouvernementales, et de leurs conséquences multiples, justifiées par la propagation de la pandémie de coronavirus COVID-19.